Exposition : La géométrie de la lumière : Borobudur & Batik

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Les photos extraordinaires de Caroline et Hughes Dubois éclairent Borobudur d’une façon unique. « Éclairer » est ici à prendre aussi bien symboliquement que littéralement.

En effet, subjugués par la beauté du lieu et la précision narrative des bas-reliefs, les artistes décident de photographier le temple uniquement de nuit, à la lumière de la pleine lune, La lumière lunaire apporte une chromie particulière aux scènes sculptées et sublime le site tout entier. Les photographes se servent d’éclairages additionnels pour sculpter les volumes. Cette technique minutieuse dite de light painting permet de redessiner les reliefs, d’accentuer le jeu subtil des ombres, de révéler des détails, de souligner les expressions. Le processus leur permet de dépasser les deux dimensions propres à la photographie pour donner vie aux scènes narratives de Borobudur. Parmi les 2700 bas-reliefs du site, Caroline et Hughes Dubois ont sélectionné ceux qui illustrent les scènes les plus significatives des textes fondateurs du bouddhisme. Les photographies sont réalisées au « format réel » : les « négatifs » digitaux sont à la même taille des bas-reliefs, afin d’en conserver l’aura et la puissance. En raison de la complexité technique et des contraintes du lieu, il n’est possible de réaliser qu’une seule photo par nuit. Il faudra 110 nuits, réparties sur plus de trois années, pour constituer cette série magistrale.

Ce travail trouve un écho vibrant dans les batiks anciens choisis par Jonathan Hope parmi sa collection personnelle. Toutes les pièces exposées sont des batik tulis - littéralement, des « batiks écrits » - produits entre la fin du XIXᵉ et le milieu du XXᵉ siècle. Chaque étoffe est une carte spirituelle, où se déploient des paysages célestes, des créatures mythiques comme le garuda ou le naga, l’arbre de vie, ou encore les motifs semen, germes de vie et symboles de fertilité. Les étoffes exposées ici sont bien plus que de simples objets textiles : ce sont des manuscrits de cire et de couleur, des fenêtres vers une cosmologie javanaise complexe, dont les lignes résonnent avec celles de la pierre sculptée. La sculpture sacrée et l’art textile dialoguent ainsi depuis plus d’un millénaire. Dès le 10ème siècle de notre ère on retrouve des motifs tels que le ceplok et le kawung, gravés dans les figures de pierre et les bas-reliefs hindous et bouddhistes de Java central; des motifs très probablement inspirés par les tissus commerciaux en cotoj’attn teint venus d'Inde, et qui servaient de monnaie d'échange dans le commerce des épices avec l'Indonésie.

L’exposition invite à une lecture croisée entre deux arts, deux matières, deux époques. Le temple et les tissus sont comme deux versants d’un même souffle spirituel.

ARTONOV Lab (Rue Américaine , 26-28 1060 Saint-Gilles)